Sous Venise, des pieux en bois millénaires soutiennent toute la ville

Comment une ville construite sur l’eau peut-elle rester debout pendant des siècles ? Sous la ville de Venise se cache un incroyable secret : des milliers de pieux en bois, plantés dans la lagune, soutiennent depuis plus d’un millénaire les majestueux palais et églises de la Sérénissime. Un système de fondation simple et malin, imaginé par les bâtisseurs du Moyen Âge.
Une fondation en bois... immergé dans l’eau !
Venise repose sur un réseau de plus d’une centaine d’îlots marécageux nichés au cœur de la lagune. Mais ces sols instables ne peuvent naturellement pas supporter le poids de bâtiments en pierre. C’est là qu’intervient un procédé ingénieux, mis au point dès le Moyen Âge : planter d’innombrables pieux en bois profondément dans le sol gorgé d’eau.
Quels bois ont été utilisés ? On y trouve surtout du chêne, du mélèze et du sapin, choisis pour leur robustesse naturelle. Chaque pieu, enfoncé verticalement dans la vase, forme un socle rigide sur lequel on pose ensuite des planches en bois transversal, puis des blocs de pierre d’Istrie, une roche blanche extrêmement résistante à l’humidité.
Ce système agit comme un radeau stable, capable de répartir le poids des constructions de manière uniforme. On estime qu’il faut environ 1200 pieux pour soutenir une maison et jusqu’à 1 million pour un grand édifice comme la basilique Santa Maria della Salute.
Pourquoi le bois ne pourrit-il pas ?
Ce qui étonne le plus dans ce système, c’est la longévité du bois. Normalement, le bois pourrit au contact de l’eau… mais pas ici. Immergés en permanence dans une eau pauvre en oxygène, les pieux échappent à la décomposition : les micro-organismes destructeurs n’y trouvent pas les conditions pour survivre.
Au fil des siècles, l’eau chargée en minéraux pénètre lentement dans les fibres du bois, remplaçant progressivement la matière organique par des sédiments. Ce processus, appelé minéralisation, transforme en quelque sorte le bois en un matériau dur comme de la pierre.
Ce phénomène naturel explique pourquoi de nombreux pieux datés de plus de 1000 ans sont encore en excellent état aujourd’hui.
Des défis toujours d’actualité
Malgré l’ingéniosité de ces fondations, Venise reste fragile. Le phénomène de subsidence (affaissement du sol), combiné à l’élévation du niveau de la mer, menace l’équilibre de la ville. Des projets comme le système MOSE (un ensemble de digues mobiles) visent à protéger la lagune des hautes eaux.
Les fondations en bois, elles, restent fiables, mais nécessitent une surveillance constante.
Venise doit sa survie à une solution aussi simple que géniale : des pieux en bois immergés dans l’eau depuis des siècles. Cette fondation unique, à la fois naturelle et ingénieuse, protège encore aujourd’hui les merveilles architecturales de la ville.